Points de vue

Il faut dire qu’elle était vaguement intriguée. Souvent trop occupée pour analyser la nature de ce "sentiment" ou devrions-nous dire de ce petit "picotement agréable" qu’elle ressentait lorsqu’elle l’approchait. La maison avait un je-ne-sais-quoi d’oublié mais sans délabrement. Non, c’était autre chose ; le jardin avait poussé telle une forêt vierge mais élégante - à l’anglaise ; on aurait dit d’un fouillis végétal savamment entretenu, ne laissant entrevoir des charmes de la demeure que ce qui la rendait désirable. Non pas de façon vulgaire, pas ce genre de luxe tapageur de nature à attirer les petites frappes en mal de liquidités faciles. On la sentait bien protégée. Il émanait de ces lieux une sorte de mystère diffus.
En général, sa rêverie pour agréable qu’elle soit ne s’attardait pas. Elle avait l’esprit trop occupé par les mille petites choses de sa vie ; sitôt la propriété dépassée, ses songes se teintaient d’autres nuances plus pragmatiques. Et puis, comme nombre de ses consœurs, la jeune femme n’avait pas le temps de s’appesantir ni d’approfondir son ressenti sur, somme toute, les décors de ses déplacements - pour la plupart, professionnels. C’était une vague émotion plutôt agréable si elle avait dû la définir. Ce jour-là, un dimanche, elle s’en souvenait bien, elle n’avait pas oublié qu’elle allait voter et s’était du coup retrouvée bloquée toute la journée. De retour de la petite école communale, elle savourait toutes les couleurs et les parfums d’un printemps doux comme un été indien !
La journée s’annonçait chaude.
La maison était là, fidèle au rendez-vous, cachée derrière ses armées de rosiers en fleurs et épines, ses tours de lierre, les hautes frondaisons de fleurs de la passion, les agaves, adoucis par les aubiers immaculés, les cyclamens, les acéroliers et volutes de volubilis azurés, sans compter les amaryllis belladone répandus dans le jardin comme une nuée de nymphes délicates posant leurs petits pieds sur des tapis de craintives campanules, les jacinthes embaumaient l’air jusqu’aux cieux… A l’entrée, la grille d’ordinaire serrée à double voir triple tours d’une chaîne rouillée était défendue par la seule odeur fétide des lamiers pourpres.
Elle était seule et ce dimanche aux cieux trop bleus, trop vifs, ne seraient partagés que par ses lectures. Rien ni personne ne l’attendait ce jour-là. L’aventure dont elle reconnut enfin le parfum s’imposa à elle dans un souffle. Elle franchit la grille aussi leste qu’un chat…
Ecrit le  Mer 04 Mai 2011, 08:40  par 
dolce vita
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Points de vue (2ème partie)

A peine dépassé l’antique clôture, l’intrépide, protégée par la luxuriante végétation de ces lieux originels, devenait invisible aux regards de la ville. Derrière un bosquet de fusains, elle découvrit un chemin finement dessiné par un artiste de génie. Il était le jardinier de Giverny mais alors, plus secret, cultivant la féérie, s’appliquant à faire disparaître toute trace de sa divine main… Les teintes chaudes répondaient aux froides à merveille, c’était une invitation de tous les sens et elle n’était pas femme à bouder son plaisir. Elle prit le temps, tantôt humant un parfum subtil tantôt enivrée par une fragrance capiteuse. La tête lui tournait délicieusement. Puis, sans s’y attendre, au détour d’un couloir de bambous, elle se retrouva face à la maison de pierre blanche qui brillait doucement sous la boule de feu.
Elle vit la grande terrasse, la porte fenêtre ouverte, les rideaux mollement bercés par la brise. Une musique discrète parvenait jusqu’à elle, d’où s’échappait-elle ? Du cœur sensible de la maison, cela à n’en pas douter. Elle s’enhardit jusqu’à gravir les degrés, parcourir les pierres palpitant sous la caresse de l’astre. Elle posa le pied jusqu’au seuil de la grand-salle, vaste, spacieuse, aux meubles de miel, aux étoffes brochées, au luxe non ostentatoire, des brassées de fleurs baignant dans une lumière exquise, la douceur de vivre et le plaisir des yeux. Un souffle sur la nuque. Venez...
Elle sentait les coussins moelleux et les divans profonds. Elle sourit à l’évocation du poème resurgi de sa mémoire tel un phénix. Mon enfant, ma soeur, songe à la douceur... L’invitation la transperça. Un murmure intime. Viens. Elle ouvrit la porte et se trouva dans un hall habillé de miroirs en pieds qui se renvoyaient les mille visages d’un patio andalou. Au centre, un bassin mauresque. Viens. Elle suivait sa jupe légère, calice dansant sur les jambes libérées des lourdes étoffes hivernales, les yeux grands ouverts pour ne rien perdre de cette fantaisie délectable. Deux gemmes, deux saphirs. Deux papillons. Son cœur battait doucement et lui-aussi les miroirs se le renvoyaient ainsi que la bouche, découvrant des perles de nacre et les bras s’ouvrant sur des doigts écartés…
La musique ; elle pouvait palper la musique. Ooooh, ces notes (!) suaves, pétillantes et tendres rythmaient son cœur affolé. Elle frissonna. Une porte. Entrebâillée. Elle vit. Un piano à queue. Un fauteuil. Lourd. Ni de dos, ni de face, il reposait, la tête inclinée vers un tableau dont elle percevait le cadre, trop absorbée par le mystérieux personnage pour chercher à en deviner le motif, secondaire. Elle avait posé sa main sur la poignée de porte pour éviter qu’elle ne grince et n’osait plus bouger de crainte de ne trahir sa présence. Le buste penché en avant, les jambes droites, elle était toute absorbée par sa contemplation, en équilibre. Témoin indiscret d’une scène intime et tendre. L’homme ne semblait pas soupçonner sa présence. Ses regards se perdaient dans la contemplation de la toile. Il portait, selon elle, une chemise en soie pongée, de teinte pâle, qui aurait très bien pu s’ouvrir sur un torse au modelé accueillant. Cela, elle n’aurait pu en jurer. Elle le savait, c’était tout. Elle voyait le col souple sur l’épaule. Le bras puissant descendant sur la main aux doigts longs. Ah, ces doigts ! Ils allaient et venaient sur la partie tendre de l’inconnu. Et quel membre ! Une éloge à la virilité ! Ils caressaient et se faisaient gourmands, précis, experts… Elle sentait en elle la naissance confuse d’une femme fontaine, du plus profond au plus épidermique, elle répondait avec délice aux caresses muettes. Viens. Elle mordit doucement ses lèvres pour ne pas laisser échapper un cri. Elle était troublée, elle sentait des regards langoureux sur son dos cambré tel un effleurement et sa jupe se relever sans qu’aucune main ne l’y invite. Elle restait figée, voyeuse et objet de contemplation. En proie à un désir sauvage…Pourtant, elle en était certaine, il n’y avait personne dans le hall lorsqu’elle l’avait traversé. Viens.
Ecrit le  Sam 07 Mai 2011, 06:55  par 
dolce vita
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Points de vue (3ème partie)

Mais sa volonté n’était pas suivie d’effet : elle ne bougeait pas. Elle n’aurait pu ni répondre à l’appel ni se sauver comme sa raison l’en aurait incitée. Elle sentait ce regard, cette pression légère mais sensible sur son dos, ses reins, son sexe de femme, comme un souffle sensuel auquel tout son être répondait. L’étoffe de ses dessous appuyait sur sa peau en émoi. Viens. Elle espérait les mains de l’homme sur son corps avide, elle brûlait de poser ses lèvres sur ce qu’elle contemplait bien malgré elle, avec envie. Elle ne s’appartenait plus.
Il fallut bien pourtant qu’elle s’arrache à cette fascination pour voir, en tournant le buste et la tête, aussi lentement que la prudence l’imposait, qui, derrière elle, se faisait l’observateur de ses indiscrétions. Elle ne vit que les immenses miroirs couvrant les murs altiers. Puis, elle découvrit son reflet avec, si proche, le visage de l’homme, son regard sur elle. Intense. La toile qu’il contemplait, c’était elle. Jeu de miroirs. Points de vue. Ils se regardèrent ainsi jusqu’à ce qu’ils sortent de leur contemplation détournée pour se faire face. Il s’était levé et son visage souriait. Viens, lui dit-il. Sa voix était vibrante. Et il tendit une main qu’elle chercha à atteindre. Viens. Sa peau était chaude et douce malgré une force et une fermeté qui transparaissait dans chaque pulsation. Il lui sourit encore. Sa bouche entrouverte vint goûter la sienne comme on déguste un fruit. Ils avaient faim et soif, elle ne le savait pas, ils le découvraient ensemble. Se fut un désordre délicieux, au milieu duquel, pâmés, ils s’endormirent dans les bras l’un de l’autre bien après qu’elle lui ait murmuré au creux de l’oreille : viens. Je t’aime, lui avait-il répété

« Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur. D’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir. Au pays qui te ressemble ! »

- « Elle revient à elle ».
- « Oui, vous avez raison Auguste, elle reprend des couleurs ! ».
- « Ca va, mon petit ?! »
Elle était adossée contre le mur de la propriété et le soleil précoce réchauffait sa mémoire. - Oui, oui, ça va aller, je crois... Je vous remercie. Elle se redressa. Deux bons vieux visages burinés, aux yeux limpides lui souriaient avec bienveillance et bonhommie. - Vous avez dû faire un malaise ma petite dame. Oui, monsieur, je, je suppose. Elle jeta un coup d’œil à la grille fermée de trois tours d’une chaîne rouillée. - Qui habite dans cette maison, le savez-vous ? Demanda-telle d’une voix faible. Ici, répondit le vieillard souriant, non sans surprise, il n’y a plus personne depuis belle lurette. - Ah ? Hasarda-t-elle, en êtes-vous sûr ? - Tout ce qu’il y a de plus sûr. Pas vrai, ma mie ? Sa tendre épouse, une bonne dame au sourire rêveur dodelina de la tête. - Le petit, il était parti à la guerre et il n’est jamais revenu. J’étais une enfant encore, j’escaladais parfois la grille pour aller chiper des fruits avec les enfants de mon école. Hihihi, pour une fille, c’était pas convenable ! Les parents, ils étaient tous deux brisés par un si grand malheur et ne nous disaient jamais rien, comme si cela apportait un peu de vie dans leur train-train quotidien. Leur fils avait été tué, enfin, c’est ce que tout le monde disait. Nous, vous comprenez, nous étions des mômes, on n’était pas sensés être dans la confidence. Mais vous savez ce que c’est !
– Et, ce fils, cet homme… vous en êtes certaine, il..., il n’est jamais revenu ? - Non. Jamais, n’est-ce pas, Auguste ? - Pour sûr, ma mie ! Mais c’est du passé tout ça et c’est bien fini. Depuis, personne n’a vécu dans cette demeure. Qui aurait voulu d’une telle bâtisse ? Les gens pensaient qu’elle portait malheur. Des promoteurs ont essayé mais ils n’ont jamais pu la vendre. Et, oui, que voulez-vous. On l’appelait la drôle de guerre, mais elle ne nous a rien apporté de drôle à nous, les gens du coin, rien de drôle, croyez-moi. Mais, vous êtes sûre que vous allez bien, vous pleurez, vous êtes toute pâle ? - Mon dieu, Auguste ! Auguste !!
Ecrit le  Mer 11 Mai 2011, 08:11  par 
dolce vita
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L’amour fantastique

L’amour fantastique De Chrétien de Troyes qui célèbre l’amour courtois à grand renfort d’un merveilleux prenant place en la mythique Brocéliande à Audrey Niffenegger (The Time Traveler’s Wife), en passant par tous les Avatar de James Cameron, l’amour vous transporte parfois d’un quotidien désenchanté aux pays des merveilles. En clair, le fantastique est à portée de vos cœurs. Laissez couler le récit de ces histoires d’amour à en perdre le sommeil.
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