Elle s’était décidée à retourner vers la petite crique. L’hiver s’était installé et il ne voulait pas quitter la place. Le mistral soufflait dans un rire étourdissant. Elle tenait ses cheveux à
deux mains pour qu’ils ne retombent pas en pluie sur son visage, l’empêchant d’y voir clair. Les escaliers abruptes et disjoints pouvaient se révéler dangereux si l’on n’y prêtait pas attention : et puis, ce vent qui poussait dans le dos, comme pour l’encourager à descendre plus vite : « va, va », soufflait-il au creux de son oreille, « zou, zou »! ! ! Pour sûr, il était bien du midi ce drôle de mistral qui chantait le patois de Provence ! Elle descendait d’un pas régulier, trop absorbée par sa progression pour répondre aux yeux qui fixaient l’intruse. Lorsqu’elle Le vit, il était trop tard. Trop tard pour faire demi tour. « Shout » songea-t-elle, la plage, la mer, le vent, elle les voulait pour elle seule. Elle avait envie de tremper ses pieds dans l’eau, sans témoin, s’étendre sur le sable et le laisser grain par grain l’embrasser de ses mille bouches éphémères, sans témoin... Elle voulait plonger ses doigts dans la crinière blonde de la plage... Mais il était là. Visiblement, il n’était pas plus heureux qu’ils soient mis en présence l’un de l’autre et la regardait sans aménité. Tous
deux se jetèrent des regards courroucés. Lui, d’enfant jaloux, elle, de chat sauvage... Elle avait fait des kms pour se retrouver là sur cette plage, « sa » plage, et ce n’était pas un inconnu qui allait l’en chasser... Elle se dit qu’il finirait bien par en avoir marre et partirait. Elle prit son mal en patience et alla s’étendre sur le sable bien décidée à faire abstraction de cette présence et du regard importun. Mais elle ne le pouvait pas, il lui semblait entendre jusqu’à sa respiration qui se fondait dans le mouvement régulier des vagues. Dans le souffle chaud qui caressait sa nuque. Rêvait-elle ? Elle fut prise de vertige et ferma les yeux... Elle le vit avec ses cheveux en bataille, ses yeux de pluie et le pull col roulé qui épousait son torse. Elle revit ses sourcils qui se rejoignaient sous l’effet de la colère... Elle sentit malgré elle une irrépressible envie de rire ; ils étaient aussi stupides l’un que l’autre ou aussi sentimental ou... Elle entrouvrit les yeux. Une silhouette faisait écran entre le soleil timide encore et sa pupille. Il était à 1 mètre d’elle et il la regardait comme un entomologiste à l’étude. Rien en lui n’était hostile, elle ne ressentit pas d’appréhension ; au contraire, il lui semblait qu’il faisait partie de la plage et comme elle, il ne pouvait pas lui faire de mal, du reste ses yeux ne révélaient plus que la surprise.
« Qui es-tu ? On ne voit guère de monde sur cette plage et surtout pas en cette saison. Je ne te connais pas. Tu es d’ici ? ». « Oui et non », répondit-elle, "elle n’avait rien à lui dire après tout. Il sourit comme s’il s’attendait à la réponse qu’elle venait de faire et qu’il n’en demandait pas plus. « Je m’appelle... » dirent-ils ensemble dans un accord si parfait qu’ils se mirent à rire. Décidément ! Seuls
deux fous pouvaient se retrouver en plein hiver alors que le vent vous lance au visage de pleines poignées de sable et se mettre à rire avec le premier inconnu venu (nul doute qu’en pleine ville cela ne serait pas arrivé) ! Ils se regardèrent comme s’ils cherchaient en l’autre un indice, une clef. Ils ne parlèrent plus. Il s’assit à côté d’elle et ils contemplèrent la mer longuement, en silence. Ensemble, ils firent des châteaux de sable, ensemble, ils se jetèrent des poignées d’eau glacée comme des enfants espiègles avant qu’elle ne se mette à trembler de froid... Délicatement, il l’enveloppa du pull chiné qu’il portait à la taille. Et il mit ses mains sur ses épaules. « Je t’attendais », dit-il...
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Jeu 09 Fév 2006, 21:35
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dolce vita,
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